Orgie de coaching : un danger pour notre attention

19 décembre 2024 par
Le blog du Moineau, Marie
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Le coaching à outrance menace-t-il notre capacité à réfléchir et choisir ?  

​Les accompagnements par un coach sont à la mode, cela n'a pas pu vous échapper, surtout si vous êtes sur les réseaux sociaux. Mais qu'est-ce que ce terme signifie ? Sur le site de l'ICF (fédération internationale de coachs professionnels), on trouve la définition suivante : « alliance entre le coach et ses clients dans un processus qui suscite chez eux réflexion et créativité afin de maximiser leur potentiel personnel et professionnel. » 

​Le coaching nous aiderait donc à être plus performants, plus agiles, plus aboutis. Mais est-ce nécessaire ou même souhaitable de consulter un coach à la première difficulté ou angoisse venue ? Mon but n'est pas de remettre en question les réels bénéfices que peut offrir cette prestation. En revanche, je m'interroge sur l'explosion des offres de coaching que l'on trouve maintenant pour n'importe quel aspect de la vie.

Le coaching à haute dose, une forme d'assistanat ?

​De mon point de vue, le développement de coaching à toutes les sauces reflète la tendance des êtres humains à aimer être assistés. Cette tendance se retrouve également dans l'utilisation des outils d'intelligence artificielle. Pourquoi s'embêter à réaliser soi-même quelque chose quand on peut l'obtenir tout prêt sur un plateau ? 

« ChatGPT, écris-moi un article sur le coaching. » 

« Grâce à ce coaching, vous saurez enfin comment bien gérer votre argent. » 

​Pour moi, l'idée en toile de fond de ces deux phrases est la même : « déléguez votre capacité à réfléchir par vous-même à quelqu'un d'autre. » Le problème, c'est qu'à force de déléguer cette capacité à choisir et réaliser quelque chose par soi-même, notre cerveau est de moins en moins efficace pour le faire seul. Il galère et s'encrasse, faute d'être régulièrement stimulé, ce qui entraîne le recours aux solutions « clés en main ». Un système qui s'autonourrit, encourage l'assistanat pour les tâches opérationnelles et nous rend plus sensibles aux messages de coaching.

​L'argument de vente de beaucoup de coachs est qu'ils veulent nous aider à « réaliser notre plein potentiel ». Or, le coaching est leur métier, donc ce qu'ils veulent (comme n'importe quelle personne qui travaille), c'est de l'argent. Car si l'offre de coaching est montée en flèches, ce n'est pas uniquement par bonté d'âme : le coaching est l'une des techniques à la mode pour générer des revenus passifs grâce à du contenu « tout prêt » (comme des vidéos), que l'internaute n'a plus qu'à consommer (encore)

​Je ne suis pas anti-coaching. En revanche, je déplore la corde sensible sur laquelle jouent à outrance beaucoup de coachs pour vendre leur prestation :  un soi-disant manque dans notre vie que seul un coaching peut combler. En effet, le sentiment de «ne pas être assez » est l'un des ingrédients magiques de toute bonne recette de marketing. Jouer sur la santé psychologique, les faiblesses et les peurs des personnes pour vendre, voilà ce que je réprouve et dénonce. Bien sûr qu’il nous manquera toujours quelque chose, à TOUS, car nous sommes imparfaits, nous sommes humains (vive les portes enfoncées) !


Femme avec lunettes qui reflechit
En pleine réflexion. Crédits photo : Carole Serrette, tous droits réservés.

Reconquérir son autonomie de réflexion et d'action

​À mon sens, la vraie question à se poser face à une offre de coaching est : « ai-je vraiment besoin de cet accompagnement dans ce domaine de ma vie, à cet instant précis ? » Dans l'idéal, il faut prendre un temps de réflexion (personnellement, j'ai besoin de plusieurs jours pour prendre ce genre de décision) pour laisser passer la phase d'ébullition émotionnelle provoquée par une offre alléchante, avant de faire un choix.

​C'est en tout cas la méthode que je m'efforce d'appliquer lorsque je suis tentée par un coaching - ce qui arrive souvent car je suis toujours à la recherche d'un mieux-être. Ça, les algorithmes des plateformes en ligne que j'utilise l'ont bien compris ! Et j'ai effectivement eu recours à des coachings, pour du développement personnel ou professionnel. Mais, rétrospectivement, en avais-je besoin ? Dans certains cas, oui, car grâce au point de vue extérieur d’un professionnel sérieux, j'ai pu aborder les difficultés de manière plus sereine, ouvrir mon esprit à d'autres façons de penser et ainsi surmonter un blocage. Mais dans d'autres, eh bien non, j'aurais totalement pu m'en passer. Je me suis juste laissée aveugler par une belle page de vente. 


Balade en velo dans la nature
Vélo dans la nature. Hasmik Ghazaryan Olson - Unsplash - libre de droits.

​Pour moi, il est contre-productif d'utiliser le coaching dans tous les domaines de la vie en espérant gagner du temps sur les éventuels revers que l'on pourrait essuyer. Car on a besoin d’échouer pour mieux réussir. Suivre des tonnes de coachings par peur d’échouer, c’est comme apprendre théoriquement comment faire du vélo pour ne jamais tomber dans la pratique : ça ne fonctionne pas. Il faut tomber plusieurs fois pour apprendre à tenir en équilibre sur un vélo. Mettre un casque, certes, mais se lancer à un moment donné, seul, sans les roulettes.

​D’où l’importance de (re)prendre conscience qu’on est capable de faire des choses par nous-mêmes, sans avoir besoin d'une machine ou d'un « sachant ». Je suis intimement convaincue que nous devons travailler à reconquérir notre autonomie de réflexion et d'action, et pour ce faire, on peut par exemple : 

  • revenir à nous-mêmes, notre respiration, nos émotions, nos sensations corporelles (les observer, éviter les jugements) ;
  • prendre conscience de l’intention avec laquelle on fait nos choix ;
  • nous demander avec sincérité ce dont nous avons besoin, ce qui nous fait du bien corporellement et mentalement sur le long terme.

​Cela implique de bien se connaître, et la connaissance de soi passe entre autres, par l’introspection, les interactions sociales, la confrontation aux échecs et aux réussites dans la vie concrète.

​Et pour finir cet article un peu long, je me pose une dernière question : les inventeurs célèbres ont-ils suivi des chemins tout tracés ou ont-ils fait plein de tentatives en mode « roue libre » avant de tomber sur la bonne ? Encore aujourd'hui, les véritables précurseurs sont rares et à mon avis, l'une des raison est que peu de gens osent ou pensent qu'ils pourraient faire les choses par eux-mêmes. Pourtant, cette expérimentation brute - et parfois brutale - dans la matière, le concret, la vie telle qu'elle est et non telle qu'on la fantasme, est souvent la voie vers de belles découvertes et vers une vie plus riche de sens pour chacun de nous.

Références et ressources :

- Les vertus de l'échec, Charles Pépin

- Site internet français de l'ICF : https://www.coachfederation.fr/

- Crédit photo de couverture : Nik - Unsplash - libre de droits.


Le blog du Moineau, Marie 19 décembre 2024
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