Envie de rien, besoin d'être seule
Depuis toujours, j'ai un grand besoin de solitude. J'ai souvent eu honte de ce sentiment, mais je ressens aussi de la colère contre les personnes qui ne le respectent pas. Je me sens encore très jugée quand j'ose aller contre le penchant naturel de tout être social : rechercher la compagnie et l'attention de ses pairs, interagir, communiquer, suivre le flow du groupe.
J'ai longtemps été en conflit avec ce besoin car je voyais bien qu'il n'était pas valorisé par les autres, ces autres auxquels je voulais tant plaire. Aujourd'hui encore, mes envies d'électron libre font souvent désordre ! J'ai à présent une relation plus apaisée avec cette solitude qui s'impose à moi. J'essaie de l'accueillir lorsqu'elle se manifeste. Car, au fil du temps, je ressens un grand bien-être lorsque je la laisse entrer dans mon quotidien.
Être seule : favoriser le FOMO¹ inversé
Voilà une porte ouverte que je veux défoncer : nous sommes sans cesse sollicités, happés par des distractions en tout genre, sommés de réagir rapidement à tout - mais surtout à rien. Ainsi, sans nous en rendre vraiment compte, nous renonçons à choisir ce sur quoi nous portons notre attention. Nous laissons d'autres (humains, machines, humains derrière les machines...) décider ce qui est important pour nous et ce qui nous apporte de la Joie.
À ce propos, j'ai récemment écouté deux épisodes de podcast (Vlan! de Gregory Pouy) sur l'intelligence artificielle². Dans l'un d'eux, un passage m'a particulièrement interpellée. Sur certaines applications, il serait possible de solliciter les conseils d'une IA pour apprendre à interagir avec des êtres humains dans la vie réelle ! Suis-je la seule à trouver cela absurde et malsain ? Qu'attendons-nous pour réagir enfin contre cette économie de l'attention³ qui fait de nous des êtres passifs et de plus en plus assistés ?Je dis « nous » avec intention car je ne me considère pas au-dessus du lot.
En revanche, je fais tout mon possible pour que le virtuel ne soit pas mon unique réalité et que les outils numériques restent à leur place : celle des machines que l'on éteint quand on a fini de s'en servir. Ainsi, prendre l'habitude de céder aux sirènes de la solitude, et me soustraire un moment des écrans, me permet de prendre du recul et de réfléchir par moi-même au lieu de me ruer sur Google ou ChatGPT pour confirmer ou infirmer une idée. Je m'aperçois alors que j'ai de plus en plus le FOMO inversé. Lorsque je passe trop de temps devant un écran, j'ai l'impression de rater le plus intéressant : ce qui se passe dans la vraie vie.
Être seule : une source de régénération
Une des choses que j'apprécie le plus avec la solitude est que je n'ai pas à participer aux discussions. Ne le prenez pas personnellement : je ne suis pas une grande bavarde de nature. La solitude m'offre un sas de répit face aux diverses sollicitations des autres qui me paraissent incessantes. Lorsque j'ai passé un moment dans ce sas, je me sens mieux avec les autres et je suis davantage présente à ce que je suis en train de faire. J'ai la sensation d'avoir fait le plein d'énergie. Sans compter que dans cet espace, je peux être de mauvais poil sans avoir à me justifier !
Autre avantage de se désolidariser de la foule de temps en temps : régénérer son corps, son esprit et son énergie. On nous bourre le mou avec l'idée qu'il faut sortir de sa zone de confort pour « devenir la meilleure version de nous-mêmes » (bla bla bla). La prise de risques occasionnelle me semble en effet importante pour évoluer vers du mieux dans tous les domaines de la vie. Mais, à mon avis, cette injonction à la performance sert bien plus notre société productiviste que les individus.
Réintégrer régulièrement son cocon offre une halte salvatrice à notre organisme d'être humain. Tous les êtres vivants recherchent la sécurité pour leur survie et ont donc besoin d'habitudes rassurantes, de confort. Lutter sans cesse contre cette tendance naturelle est contre-productif et épuisant sur le long terme. Cela finit par endormir notre entendement et notre bon sens, nous couper de notre créativité et de nos besoins.

Être seule, sans téléphone à portée de main, me permet de faire silence en moi, d’apprivoiser le calme. J’ai à nouveau de la place pour penser à ce qui est essentiel, laisser émerger et mûrir de nouvelles idées. Et je prends l'habitude de me confronter à ma finitude, tenter d'accepter ma grandeur et mon insignifiance dans ce monde. En somme, j’apprends à me connaître, à chérir la présence des êtres que j’aime et à admirer la beauté du monde qui m'entoure.
Ressources et références :
¹Concept du FOMO, « fear of missing out » en anglais : peur de manquer quelque chose d'incroyable, notamment sur Internet et les réseaux sociaux.
https://www.definitions-marketing.com/definition/fomo/
²Évolution de la société avec l'IA :
- podcast Vlan! de Gregory Pouy avec Asma Mhalla : https://www.youtube.com/watch?v=IVjSjQwCrSs
- podcast Vlan! de Gregory Pouy avec Naomi Roth : https://www.youtube.com/watch?v=pj4nvzvGFOM
³Économie de l'attention :
https://lejournal.cnrs.fr/articles/lattention-un-bien-precieux
Bienfaits de la solitude : https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc=solitude-positive-bienfaits-detre-seul
Photo de couverture : Annie Spratt - Unsplash - image libre de droits.
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La solitude choisie : revenir à soi pour mieux être avec les autres