Du temps, de l'attention, de la liberté

13 juillet 2025 par
Marie
| Aucun commentaire pour l'instant

​Une feuille blanche devant moi. Du temps. - Un luxe.

​Résister à l’envie d’ouvrir Facebook ou ma boîte mail – la tentation de la distraction est grande quand l’esprit se retrouve face au vide. Il n’est plus habitué au repos, au « rien », au libre vagabondage. La sollicitation permanente est sa drogue. L’état d’alerte, son bain quotidien. D’ailleurs, la société dans laquelle je vis me dit que se retrouver sans rien faire, c’est mal. Il faut AGIR pour être considéré comme un bon petit soldat obéissant et utile. 

​Quid de la finalité de toute action, toute activité ? La productivité, la rentabilité financière et la consommation. Sinon, à quoi bon. À quoi servent les gens qui réfléchissent ? Qui refusent - ou simplement questionnent - le fonctionnement de la société moderne ? Ce sont des êtres dangereux, des fauteurs de trouble. On ne peut pas se fier à eux. Les personnes qui lèvent le nez de leur téléphone de temps en temps, voilà les véritables terroristes de notre époque. 

​Mais on en croise peu. Dans la rue, au restaurant, dans la file d’un magasin, dans la salle d’attente du médecin, lors d’une réunion de famille… Force est de constater le nombre impressionnant de têtes (y compris la mienne) courbées sur la petite boîte magique. C’est irrésistible : ces technologies ont été développées intentionnellement pour capter notre attention et la retenir le plus longtemps possible. Bruno Patino, dans La civilisation du poisson rouge, l’explique très bien. 

​Cet asservissement de notre temps et de nos données personnelles est très pernicieux car aujourd’hui, vivre sans téléphone portable vous met en marge de la société. Vous voulez trouver un travail ? Applications France Travail, Indeed… Vous cherchez une maison ? Application Le bon coin. Vous voulez effectuer une démarche administrative ? Scannez le QR code…  

​Par ailleurs, aujourd’hui encore, la possession d’un smartphone est synonyme de « richesse » dans l’esprit de la plupart des gens. Il suffit de croiser des SDF pour savoir qu’il n’en est rien : même eux ont le nez penché sur leur petit écran. Cet objet est devenu très accessible, et ce n’est pas par philanthropie. Les géants de la tech et les institutions y ont intérêt : ils ont enfin trouvé un moyen simple et efficace de surveiller et influencer la plèbe (= nous) pour servir leurs intérêts particuliers, en lui faisant croire que cette addiction est de son fait (après tout, il faut bien que l’illusion du libre-arbitre soit rentable, elle aussi).


mains offrant une fleur

Je me demande alors : ne valons-nous pas mieux que ça, nous, êtres humains ? 

​Si le smartphone et les applications ont leur utilité, cela ne peut pas justifier l’utilisation abusive que l’on en fait. Je vais faire ma vieille et vous dire que je suis bien contente d’avoir eu une enfance sans téléphone portable et sans Internet. Cela me donne un vécu concret de la vie avant l’omniprésence des smartphones et toutes leurs applications dans notre quotidien. Pour autant, je ne suis pas du genre à penser que « c’était mieux avant » (vieille, mais pas encore à ce point). Déjà, ça ne sert à rien de dire ça, à part monter des murs entre les générations. Gardons en tête que les jeunes et leurs nouvelles idées contribuent en grande partie à modeler le monde de demain. Ensuite, ce n’est pas vrai. Avant, l’esclavage et le racisme étaient la norme. Avant, les femmes dépendaient des hommes pour TOUT. Avant, les êtres humains ne reconnaissaient pas de sensibilité ni d’intelligence aux autres animaux. Entre autres.

Alors, si, nous valons mieux que ça. Et nous le savons. Mais c’est souvent plus confortable de rester la tête dans le sable. Car si nous prenons conscience qu’une production effrénée mène à notre perte, que le travail n’est pas une fin en soi, que la consommation ne mène pas au bonheur… Alors, nous perdons tous les repères que le monde capitaliste a construits pour nous jusqu’ici. Et perdre ses repères, c’est dur, voire dangereux pour notre cerveau humain. 

​Soyons réalistes : on ne va pas changer nos habitudes durablement du jour au lendemain. Mais on peut faire un premier pas dans cette direction. 

​Par exemple, on peut choisir volontairement de ne « rien » faire. S’asseoir sur un banc et observer les oiseaux dans le ciel, les écouter chanter. Regarder par la fenêtre du train au lieu de scroller sur son téléphone. Manger au restaurant sans poster de photo de son repas sur les réseaux sociaux. 

​C’est la répétition consciente de petites choses qui aide le cerveau à prendre de nouvelles habitudes. Ça parait rien, mais c’est en réalité un acte de résistance. Ce n’est pas un objectif à atteindre (il y a souvent des « rechutes ») : c’est un chemin vers plus de confiance, de lucidité et de liberté.

Crédits photo de couverture : Marie Gauthier, tous droits réservés.
Crédits photo du corps de l'article : Pixabay, image libre de droits.


Partager cet article
Archiver
Se connecter pour laisser un commentaire.