Dis-moi que c'est bien

19 septembre 2023 par
Le blog du Moineau, Marie
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L'insatiable besoin de reconnaissance

Dis-moi que c’est bien.
Oui, « regarde-moi, dis-moi des mots tendres », dixit Céline.

​Regarde ce que j’ai fait et dis-moi comme tu es fièr(e) de moi, reconnais tous mes efforts, tout le cœur que j’ai mis dans mon ouvrage. Je sais qu’il n’est pas parfait, mais tu sais, j’ai vraiment fait de mon mieux, pour moi mais surtout pour te faire plaisir, avec les moyens et les connaissances que j’avais à cet instant « I ». J’ai les yeux qui pétillent et des papillons dans le ventre à l’idée de te montrer ce que je viens de réaliser. Je n’y crois pas moi‑même

 - Le cœur à vif -

​Puis soudain, j’ai ce monstre qui me tord les boyaux à l’idée que peut‑être j’ai mal fait, que tu ne vas pas être content(e). Pourtant, j’ai travaillé dur, je me suis beaucoup remise en question puisque je suis là, loin de mes habitudes et de mon environnement familier. Je ne viens pas du même monde que toi et j’essaye d’apprendre le plus rapidement possible pour ne pas être un poids pour l’équipe, pour ne pas vous « ralentir », comme on me l’a déjà dit. Des mots qui m’ont fait tellement mal. Je suis nouvelle, je ne peux pas deviner. ​Pour toi dont c’est le métier, qui as eu une formation, qui fais ça depuis des mois ou des années, c’est intuitif, et je vois bien que mes maladresses, pourtant pleines de bonnes intentions et d’envie de réussir, t’irritent. Je vois bien que selon toi, je devrais être différente, plus rapide, plus souriante, une autre, plus comme toi, beaucoup moins comme moi. Je suis suspendue au verdict qui se dessinera sur ton visage et que je saisirai immédiatement avant même que tu n’aies prononcé un mot. Ça y est, ta sentence est tombée et elle est irrévocable. Pourquoi tu ne m’aimes pas ? Je ne vais pas prendre ta place, tu sais. Je suis juste là parce que je veux aider. Aider les autres, ceux et celles qui ne peuvent plus s’aider eux-mêmes dans ce qu’il y a de plus trivial au quotidien. Je veux juste être parmi vous qui êtes considérés comme des « héros du quotidien », même si le travail que vous faites n’est jamais assez valorisé. Je l’ai vu.

​Mais j’ai aussi vu autre chose. Les excuses pour masquer les mauvaises pratiques ou l’incompétence, tout niveau hiérarchique confondu. L’instinct grégaire qui soude un groupe et le fait rejeter tout nouveau venu considéré comme une menace, sauf s’il accepte de se plier à tout, même à l’inacceptable. Même à l’aliénation de lui-même, de ses valeurs, de son empathie, de son être. Il faut rentrer dans le moule ou périr. J’ai vu la manipulation et l’égoïsme en pleine action car protéger ses petits intérêts et sa petite place bien au chaud, c’est ce qu’il y a de plus important. Le reste, à savoir : le bien-être des gens dont on s’occupe, l’acceptation de la différence au sein d’une équipe comme une force et une possibilité d’apporter de nouvelles idées, la bienveillance et le courage, je les ai vus passer à la trappe, la plupart du temps. 

« J’ai vu le sang sur ma peau, j’ai vu la fureur et les cris, et j’ai prié […] tous ceux qui se sont sacrifiés » (extrait de « J’ai vu », Niagara).

​Certaines fois, pourtant, j’ai eu chaud au cœur car je me suis sentie accueillie et encouragée. C’est ce qui m’a fait tenir pendant presque 3 ans, l’espoir de rencontrer cette chaleur, cet accueil du cœur. Mais quelques braises peuvent-elles suffire à maintenir un feu allumé si personne ne souffle jamais dessus ?

 Dis-moi que c’est bien. 
Que tout ce que j’ai fait pour me faire accepter n’a pas été vain.

​J’ai tellement besoin que tu m’aimes, que tu me considères comme une vraie coéquipière, une vraie amie, une vraie personne, digne d’intérêt, et pas comme la cinquième roue du carrosse.

 - Plus en profondeur -

​C’est sûr que ça ne m’a pas aidé à prendre ma place dans la vie, ce manque, ce vide en moi. Cet insatiable besoin de reconnaissance. J’ai dû l’expérimenter dans ma chair, mes entrailles, autrement dit, il a fallu que ça fasse très mal, pour que je comprenne enfin. Ça ne veut pas dire que tout est simple maintenant, que c’est facile. Très loin de là. Mais ça m’a appris à regarder dans quoi je mettais les pieds. Ça m’a appris que, si je ne m’aimais pas en premier, si j’acceptais de voir mon amour-propre piétiner sans broncher, si je donnais inconsciemment aux autres le pouvoir de vie ou de mort sur l'estime que je me porte, j’allais continuer à m’enfoncer inéluctablement, jusqu’à toucher le fond. Et honnêtement, je pense que je n’en étais pas loin, de ce fond. De cette gueule géante et béante qui attend patiemment que sa proie s'enfonce jusqu’à elle. Elle sait que, quand la personne a renoncé, ce n’est qu’une question de temps. Elle n'a même pas besoin de se mettre en chasse. 

​Tout se joue entre la force de construction et la force de destruction. La vie ne fait pas de différence entre les deux, pire, elle ne favorise pas la construction. Les deux existent, c’est ainsi, et il appartient à chacun de nous, dans chacune des batailles, grande ou petite, que nous mènerons dans notre existence, de faire en sorte de maintenir ce fragile équilibre entre ces deux forces et de tendre vers ce qui nous grandit plutôt que vers ce qui veut nous dévorer.

Le blog du Moineau, Marie 19 septembre 2023
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