Continuer à vivre

29 juin 2024 par
Le blog du Moineau, Marie
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Réflexions d'une citoyenne française

Je ne voulais pas publier cet article avant d’avoir vu le film « Les Doléances »  de Hélène Desplanques, ni après le premier tour des élections législatives. Je pose donc mes réflexions et ressentis aujourd’hui, dans cet entre-deux. 

Je n’aurais jamais cru que, de mon vivant, je puisse craindre l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement extrémiste dans mon propre pays. Je n’aurais jamais cru que ce pays, symbole de la Liberté et des Droits humains, puisse être abandonné aux mains de la Haine. Aujourd’hui, c’est une très forte probabilité. Cela provoque énormément d’émotions intenses en moi. Alors, j’ai eu besoin d’extraire cette substance pour essayer d’en faire quelque chose de constructif. 

Ce que nous dit l’Histoire

Il semblerait qu’un pourcentage de nos concitoyens vote pour le RN parce qu’on « n’a jamais essayé ». Vraiment ? L’Allemagne est pourtant collée à la France et leurs histoires s’entremêlent tout au long de l’Histoire. Plus jeune, j’ai été très marquée par les cours du secondaire sur les deux guerres mondiales du XXe siècle, et particulièrement la deuxième pour sa barbarie et ses crimes inimaginables. Je suis loin d’être une experte sur le sujet, ni en politique. Mais je me rappelle très bien ce que j’ai appris sur l’arrivée d’Hitler au pouvoir. L’homme n’avait rien pour lui, sauf l’orgueil blessé d’un pays humilié après la Première guerre mondiale. Voilà sur quoi a joué cet homme pour arriver à ses fins : la haine et l’humiliation. Pourquoi cela semble faire terriblement écho à ce qui se passe dans notre pays aujourd’hui ? 

« Mais ce que l’expérience et l’histoire enseignent, c’est que jamais les peuples ni les gouvernements n’ont rien appris de l’histoire, ni n’ont agi d’après des leçons qu’on aurait pu en tirer. Chaque époque, chaque peuple a des circonstances si particulières, réalise une situation si individuelle, que c’est uniquement en elle et à partir d’elle qu’il faut prendre ses décisions. » 

Hegel, l’Histoire te donnera-t-elle raison, une fois de plus  ?

Quand les électeurs du Front national représentaient 17 % des votes au second tour de l’élection présidentielle en 2002, a-t-on cherché à comprendre ce qu’il se passait ? Sans doute à l’époque, personne ne pouvait imaginer la situation actuelle. Tout comme à la fin de la première guerre mondiale, les Alliés ne pouvaient pas imaginer qu’une deuxième guerre allait éclater 20 ans après. Pourtant, ils ont une grande part de responsabilité dans l’émergence de ce conflit puisque le but du traité de Versailles de 1919 était de punir l’Allemagne. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est un peu le même orgueil qui nous a aveuglé, nous qui ne votons pas pour le RN. Nous avons sous-estimé la colère, la frustration, le sentiment d’injustice et sans doute la précarité de ce pourcentage de gens qui ont permis au RN d’atteindre 30 % de votes aux dernières élections européennes. Mais a-t-on déjà construit quelque chose de pérenne et juste sur des sentiments violents ou haineux ? Léopold Sédar Senghor a dit très justement : «le raciste est quelqu'un qui se trompe de colère ».

Il est possible aussi que beaucoup votent pour le RN pour protester contre les gouvernements français qui se sont succédé ces dernières années et n’ont pas brillé par leur efficacité. J’avoue être lasse de voter « utile », de voter « contre le RN ». À mon sens, cela maintient toujours les mêmes personnes au pouvoir et j’en ai marre parce que peu de choses bougent, que ce soit au niveau écologique, économique ou social. J’ai l’impression qu’on applique les mêmes recettes politiques qu’il y a 20 ou 30 ans alors que la société a tellement changé, que le contexte global dans lequel nous vivons nécessite une vision à 180 degrés de celle qui guide les pouvoirs publics aujourd’hui. J’ai aussi le sentiment que plus je vote « contre le RN », plus je renforce ses électeurs dans leurs convictions.

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Crédit photo : Association Hôp hop hop (Besançon). Photo publiée avec leur accord.

« Moi, j’ai un rêve »

Je pense que la meilleure arme pour combattre les idées de l’extrême est le dialogue. Mais en dehors des arguments que j’avance dans cet article, je me retrouverais bien démunie si je devais discuter politique avec qui que ce soit. Je n’ai pas assez de connaissances ni d’assurance. Donc discuter avec des électeurs du RN… Eh bien, je ne m’en sens pas capable.

Moi, je rêve que les partis politiques se réunissent autour d’une table et laissent leur ego et leur soif de pouvoir à la porte, pour s’occuper de la France comme elle le mérite, et défendre ce qui devrait avoir de l’importance au-delà de nos convictions personnelles : Liberté, Égalité, Fraternité. En prenant notre devise nationale comme base de toute décision, que risquons-nous ? En écoutant chacun dans sa vérité, son vécu, son ressenti, pouvons-nous nous tromper de voie ? 

« Ne me changez pas, laissez-moi mes rêves, laissez-moi mes poèmes. » Vianney & Janie

Je suis idéaliste, utopiste, rêveuse. C’est ainsi. Je pense que d’autres personnes le sont aussi et l’ont été avant moi - et heureusement. Jean Moulin, Rosa Parks, Nelson Mandela, Simone Veil, Martin Luther King… Ce sont les noms qui me viennent en tête, mais il y en a tant d’autres ! La différence entre ces gens et moi est le courage et une force de caractère hors du commun. J’imagine que c’est ce qu’on se dit, jusqu’à ce qu’on n’ait plus le choix que d’être courageux et fort. Doit-on en arriver à cette extrémité pour tout changer ?

Au pied du mur

Les moments de crise peuvent conduire au repli sur soi ou au contraire, provoquer une ouverture : dans l’urgence de la situation, notre créativité est boostée, on cherche des moyens de « faire autrement ». Aujourd’hui, je ne trouve plus de sens à être de gauche ou de droite. Je ne me reconnais dans aucun de ces pôles. Car je suis tout cela et rien de cela à la fois. Je suis complexe. Nous le sommes tous. En revanche, je me reconnais dans des idéaux de fraternité, de sororité, de tolérance, d’empathie, de solidarité, d’humanité. Je ne suis ni de gauche ni de droite : je suis humaniste. Je pense que ces aspirations sont beaucoup plus consensuelles que n’importe quel idéal politique. 

Le plus difficile à faire pour moi maintenant est de « bien faire et laisser faire ». Agir sans se cramponner aux résultats. Aller voter et continuer à vivre, pas juste survivre. D’une manière ou d’une autre, la vie va continuer - avec ou sans moi. Je peux rester dans mes peurs et me cloîtrer pour tenter de me protéger. Ou je peux continuer ce que j’ai déjà commencé à faire. Parler à un inconnu dans la rue. Dire bonjour à un SDF. Chanter. Écrire. Écouter. Lire. Réfléchir. Partager. 

Je peux continuer à vivre.

Le blog du Moineau, Marie 29 juin 2024
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