Le 15 mai 2023, j’ai porté plainte.
Je me souviens de l’état émotionnel dans lequel j’étais à cette période-là : submergée par les émotions difficiles, rongée de l’intérieur, comme éteinte. Beaucoup de choses étaient douloureuses dans ma vie et je ne savais pas comment vivre avec. Je me souviens de la discussion qui a déclenché ma décision. Une discussion sur le silence. Pas celui qui est d’or mais celui qui est pourri, moisi, putride. Le silence de la honte qui protège les agresseurs et fait taire les victimes.
“Tu avais 16 ans…”, “t’avais qu’à le pousser”… Des mots m’ont réduit à un silence mortifère. Dans cette situation et dans tant d’autres. La chape de plomb a explosé grâce à une double prise de conscience : mon silence protège mon agresseur. Et ma parole peut aider d’autres personnes qui ont vécu la même chose ou empêcher que cela n’arrive à d’autres personnes. Mais cette prise de conscience seule ne suffit pas à passer à l’action de parler. Personnellement, il m’a fallu assimiler, corps et âme, le fait qu’en tant que victime, je ne suis pas responsable de ce qui m’est arrivé. Comment j’étais habillée, ce que j’ai pu dire, ma personnalité… Je n’ai pas à avoir honte car ça n’aurait pas dû se passer. Point final.
Mais le fait que cela se soit passé m’a mis sous les yeux (à partir du moment où j’ai réussi à les ouvrir) le peu d’amour que j’avais pour moi-même. Et que, pour ne pas revivre ce genre de situation, il me fallait oser. Oser PARLER, dire ce qui me va, ce qui ne me va pas. Poser mes limites. Passer d’une présence transparente à une présence incarnée mais qui ne cherche pas à imposer sa place par la force. Choisir la voie du cœur. Un chemin encore long à parcourir - toute une vie au moins !
Le 15 mai 2024, je me suis donc souhaité un très joyeux anniversaire. Un anniversaire que j’ai vécu à l’intérieur. Une simple pensée qui m’accompagnée toute la journée : il y a un an, j’ai porté plainte. Je n’ai pas ressenti toutes les émotions difficiles associées à cet événement. Je n’ai pas ressenti non plus le besoin de “fêter ça”, de me féliciter, de me récompenser. C’est vrai que j’ai eu du courage de le faire. Mais mon plus grand cadeau, c’est ce calme qui s’installe progressivement en moi, quand je pense à cette décision, à l’agression ou à d’autres choses difficiles de ma vie. Les émotions douloureuses sont là, mais elles provoquent moins de tsunamis. Elles me brûlent beaucoup moins.
Aurais-je enfin appris quelque chose ? La Liberté a un nom : c’est la Joie.
Un anniversaire spécial